Vincent Barras, UniL - "Médecine et dispositifs d'auralité"
Si le stéthoscope, emblème capital de la profession médicale, est connu comme l’instrument ayant par excellence permis le basculement – paradoxal en regard des modalités sensorielles engagées – vers le « regard clinique » réputé fondateur de la médecine moderne (Foucault 1963), il convient pourtant, au-delà de l’apparente évidence de l’efficacité de cet instrument, de s’arrêter plus longuement sur la question des dispositifs d’auralité en médecine. Ceux-ci, en effet, ne sont pas uniquement des outils transparents permettant d’amplifier, reproduire, fixer des phénomènes sonores naturels, ils transforment la réalité (le corps se transforme en objet sonore) autant que la perception des humains impliqués (le médecin devient un sujet écoutant). En médecine, l’écoute est donc bien plus que le « simple » exercice d’une porte sensorielle supplémentaire. Entendue comme dispositif, c’est-à-dire dotée de « la capacité de capturer, d’orienter, de déterminer, d’intercepter, de modeler, de contrôler et d’assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants » (Agamben 2014), l’écoute façonne le monde, elle façonne notre rapport au monde, elle nous façonne.