En Suisse, deux trajectoires dominent le paysage familial: avoir une famille sur le mode traditionnel ou ne pas avoir d'enfant du tout. Comment comprendre cet état de fait du point de vue des sciences sociales et de la statistique?
Les configurations familiales se sont diversifiées en Europe au cours des cinquante dernières années, du fait de l’augmentation des divorces, de l’entrée des femmes sur le marché du travail ou de la diffusion de la cohabitation.
Cependant, ces évolutions ont été plus lentes en Suisse qu’ailleurs: ainsi, une majorité de couples continuent à se marier lorsqu’ils souhaitent avoir des enfants et beaucoup de femmes optent pour un travail à temps (très) partiel pour consacrer du temps à l’éducation de leurs enfants. Par ailleurs, la Suisse présente un taux élevé de personnes sans enfant.
Dès lors, deux trajectoires dominent aujourd’hui le panorama polarisé de la vie privée en Suisse: avoir une famille sur le mode traditionnel (mariage, répartition genrée des tâches) ou ne pas avoir d’enfant du tout. Comment comprendre cet état de fait?
Les institutions suisses (lois, fiscalité, institutions scolaires, aide sociale) restent largement conçues sur le modèle de la famille traditionnelle. Les individus qui ne veulent - ou ne peuvent - pas entrer dans ce moule pour des raisons diverses, rencontrent-ils des difficultés notables en faisant famille autrement? Ces difficultés sont-elles d’ordre financier, concernent-elles la gestion du quotidien? Peuvent-elles aussi affecter plus profondément la santé (mentale ou physique) des individus concernés, leur satisfaction de vie, la qualité du lien conjugal ? Est-il dès lors plus facile de rester sans enfant en Suisse? Y a-t-il des coûts liés à ce choix sur le long terme?
Les données de l’Enquête sur les Familles et les Générations 2013, collectées et exploitées par l’Office fédéral de la statistique (OFS) qui les produit, ainsi que par des chercheurs du Pôle de recherche national LIVES (Universités de Genève et de Lausanne et à la Haute école spécialisée bernoise), apportent des éléments de réponses à ces interrogations cruciales.
Les résultats indiquent que les vulnérabilités engendrées par l’inadéquation entre la diversité des familles et les dispositifs institutionnels actuels découragent non seulement l’émergence de formes de familles plus égalitaires mais aussi la formation-même de la famille, et cela malgré les aspirations individuelles.