Conférence de Tristan Alonge, Université de la Réunion
Synthèse de l'intervention
Helléniste remarquable, Jean Racine se distingue de tous ses contemporains, et de Corneille en particulier, par le retour incessant à la tragédie grecque. C’est en traduisant Aristote, en annotant les pièces athéniennes et en adaptant Euripide sur scène, qu’il retrouve le secret du « héros tragique », ni tout à fait coupable ni tout à fait innocent. En bousculant les codes dramaturgiques de l’époque, Racine fera de sa découverte le symbole d’une « révolution » dans l’art de fabriquer des tragédies.
En lien avec la parution de l’ouvrage Racine et Euripide – Une révolution trahie (Genève, Droz, 2017).
Cet ouvrage se propose de reconstruire l’évolution de cette « révolution racinienne », en explorant son origine grecque et ses manifestations les plus explicites, à savoir les quatre pièces inspirées d’Euripide : La Thébaïde, Andromaque, Iphigénie et Phèdre. La lecture croisée de l’ensemble des sources permet de décoder le palimpseste racinien en laissant émerger en filigrane le rôle crucial joué par le texte euripidéen sous-jacent. Pourtant, en véritable caméléon, Jean Racine n’hésitera pas à sacrifier son souffleur athénien et sa propre révolution sur l’autel du succès.
Si les études raciniennes ont connu un regain d’intérêt dans la dernière décennie du XXe siècle, à l’occasion du tricentenaire de la mort de Jean Racine, depuis on a parfois l’impression que l’auteur de Phèdre est mort une deuxième fois, d’un point de vue critique. L’objectif principal de l’ouvrage est d’insuffler un nouvel élan en montrant que le texte racinien est toujours vivant et qu’une lecture approfondie de ses sources, grecques en particulier, permet d’en cerner la réelle spécificité et originalité, en remettant en cause certains lieux communs des commentateurs.
Présentation de l’auteur
D’origine franco-italienne, ancien élève de l’Ecole Normale de Pise, Tristan Alonge est diplômé en lettres classiques à l’Université de Pise, et en affaires publiques à Sciences Po Paris. Après une thèse de doctorat à l’Université Paris-Sorbonne, sur la tragédie grecque et la tragédie française aux XVIe et XVIIe siècles, il a été chercheur FNS auprès de l'Université de Lausanne dans le cadre du projet "Naissance de la critique dramatique". Il est actuellement maître de conférences en littérature française à l’Université de la Réunion.