Journée d'études intermédiaire du CR18 de l'AISLF Sociologie de l'Art et de la Culture
La question des modalités et des conditions d’émergence, de reconnaissance et de
consécration artistiques, relativement classique, a connu un regain d’intérêt ces dernières
années.
Dans sa théorie des champs de production artistique, Pierre Bourdieu posait un cadre
général pour une analyse des distributions de la légitimité artistique en termes de dispositions
(capitaux, habitus) en s’intéressant au fonctionnement générique des « règles de l’art » (1992)
et aux hiérarchies culturelles. Les approches des carrières artistiques en termes de
« visibilité » (Heinich, 2009), de « réputation » (Becker, 1988) ou encore de facteurs de
« notoriété » (Quemin, 2013) ont l’avantage de prendre au sérieux, à divers degrés, les
représentations que les acteurs se font du monde, en insistant sur les différents acteurs qui
participent à la reconnaissance d’une oeuvre, d’un artiste. On peut en même temps leur
reprocher de ne pas donner suffisamment d’importance à l’inégale distribution des ressources
sociales tant au niveau des producteurs que des médiateurs ou des spectateurs pour
appréhender la variation des modes de production, de diffusion et de réception.
Penser les réussites artistiques au prisme des processus de consécration, comme nous
proposons de le faire ici, ancre la perspective théorique dans un héritage épistémologique
marqué par un questionnement sur les conditions de production d’ordres de valeurs tout à la
fois sacralisés et naturalisés (Suaud, 1978). Il s’agit aussi pour nous d’interroger les effets de
la « croyance » (entendue comme capacité d’engagement) sur les logiques tant
institutionnelles qu’économiques (Weber, 2000) tout en examinant les relations
d’interdépendance (Elias, 1991) entre les différents acteurs qui participent à proposer des
conventions qui caractérisent des mondes de l’art (Becker, 1988) et des champs de production
(Bourdieu, 1984) à un moment donné de leur histoire. Il s’agit alors de saisir la création comme
un procès général qui vise à produire, en même temps que les oeuvres, la réception adéquate
de ces oeuvres et artistes par la création ou diffusion des catégories de perception, et la
consécration comme processus d’accumulation de capital symbolique (Dubois, 1986). Celui-ci
suit, selon Denis (2010), des étapes typiques (directement importées de la sphère religieuse) :
émergence (révélation), reconnaissance (confirmation), enfin consécration voire
canonisation.
Cette journée d’étude est organisée conjointement par le CR-SAC, Comité de recherche
Sociologie des arts et de la culture (Foko-KUKUSO) de la Société suisse de sociologie (SSS) et le
LACCUS, Laboratoire capitalisme, culture et sociétés de l’UNIL en lien avec le projet FNS
« Consacrer les talents : enquête sur les arts de la scène » (Perrenoud-Sorignet).