Conférence donnée dans le cadre des Jeudis de l'Histoire de l'art (Section d'histoire de l'art, UNIL)
L’émergence et très bientôt le rayonnement d’un type de représentation de Lucrèce isolée, en pied, en train de se poignarder, semble intimement liée à la découverte d’une statue antique de Lucrèce dans les ruines du Trastevere alors que Jean de Médicis – fils de Laurent et futur pape Léon X – n’était encore que cardinal, événement que l’on peut situer autour de 1500. Ce dernier, notamment par le biais d’un poème iambique composé en l’honneur de sa découverte, semble avoir contribué de façon active à l’identification de cette statue comme une Lucrèce. Ce qui ne saurait étonner outre mesure vu les origines du cardinal, issu d’une cité et d’une famille où l’héroïne romaine, icône républicaine, jouissait depuis longtemps déjà d’une grande popularité.
Mais, en dépit de différents témoignages, les experts tendent à réfuter l’existence de statues antiques de Lucrèce. Notre hypothèse de travail est donc que l’émergence de cette tradition de représentation visuelle – dont la gravure de Lucrèce de Raimondi d’après un dessin de Raphaël est la pierre angulaire – résulterait d’une volonté de relancer, voire dans un effet de paragone de surpasser, un type statuaire antique de Lucrèce qui n’aurait toutefois pas existé et s’avérerait plutôt une construction érigée sur la base d’une identification erronée.