Les impostures scientifiques et leurs conséquences pour la recherche : l’exemple du dossier éleusinien
Le dossier des vases de culte éleusiniens (les dits Kernoi ou Plémochoés) a fourni l’occasion inattendue d’étudier un phénomène connu dans la recherche, restant pourtant délicat: celui des impostures savantes.
L’occasion d’une telle confrontation fut fournie par une scène unique à sujet éleusinien, ornant un bijou en or, daté de l’époque « hellénistique ». S’agissant d’un objet publié par des spécialistes renommés, exposé au Musée National Archéologique d’Athènes et appartenant à une collection éponyme, il avait échappé à un examen intensif durant un demi-siècle. Il s’est finalement avéré qu’il s’agissait d’une imposture moderne.
Ce fait établi, il a fallu comprendre le contexte de la création du faux, chercher les probables artistes, comme le cerveau qui aurait pu concevoir une telle invention. Cette longue quête nous a menée sur les chemins d’une fameuse famille d’artistes archéologiques en Grèce, auxquels la recherche du tournant du XXe siècle doit une multitude d’illustrations, restaurations interprétatives, reconstructions et répliques d’art grec antique : les artistes franco-suisses Émile Gilliéron, père et fils (1850-1924 et 1885-1939). Ils sont d’avantage liés à l’archéologie de l’âge du Bronze. Divers archéologues ont par le passé associé d’éventuels faux à ces artistes, dans la plupart des cas sans pouvoir aboutir à des conclusions et attributions définitives.
Ainsi, les créations inventées et observées dans le cadre de l’archéologie éleusinienne, fournissent une base d’argumentation qui permettra l’établissement d’un dialogue envers les cas précédents. Venant d’un autre contexte chronologique (classique-hellénistique), d’une autre culture (attique-éleusinienne), et exprimée dans un autre « langage artistique » (iconographie figurée et décorative), le processus de leur déconstruction a fait usage de sources textuelles antiques, de l’histoire et de l’iconographie.