Colloque international organisé par Brigitte Maire et Nathalie Rousseau (Institut d'archéologie et des sciences de l'Antiquité). En marge du colloque, une conférence publique est organisée le 23 septembre à 19h au Cercle littéraire de Lausanne (entrée libre, mais inscription obligatoire). De plus, un atelier pédagogique consacré aux textes médicaux antiques est prévu le 25 septembre de 14h45 à 17h45 à la BCU, Unithèque (participation libre sur inscription).
Le savoir médical des Anciens, depuis l’âge grec classique jusqu’à l’Antiquité tardive et au delà, nous a principalement été transmis sous la forme d’importants corpus de textes (Collection hippocratique, traités galéniques) ou de sommes écrites en latin ou en grec, comme la Médecine de Celse, les Collections médicales d’Oribase, ou les traités d’Aétius d’Amide, d’Alexandre de Tralles ou encore de Paul d’Égine.
Or nombreux sont les textes qui, au sein de ces vastes ensembles, se répondent, dans un même traité (« rédactions parallèles ») ou à différentes époques, qu’ils soient parfaitement identiques, qu’ils divergent seulement de quelques mots, ou que l’un apparaisse l’abrégé, l’amplification ou la traduction de l’autre.
La première question qui se pose alors généralement est de savoir si le texte le plus récent est issu du plus ancien, ou si les deux dérivent d’un ou de plusieurs textes antérieurs. Cependant, nombre de recherches récentes ont montré que la composition des textes médicaux fait appel à une grande diversité de sources : si l’importance des textes des prédécesseurs ne peut être négligée, comme l’illustre l’activité philologique d’un Galien par exemple, l’expérience personnelle, la transmission orale des savoirs théoriques et pratiques ainsi que la médecine dite « populaire » sont tout aussi essentielles. D’autre part, l’intérêt des chercheurs pour les sources les plus anciennes laisse peu à peu également une place à l’étude de l’originalité propre de chaque somme médicale : chacune d’entre elles est en effet irréductible à une simple collection de témoignages de textes plus anciens par ailleurs perdus, et n’est pas dissociable du contexte historique et épistémologique dans lequel elle a été conçue.
Ces nouvelles perspectives font naître de nouvelles interrogations. Du point de vue de l’ecdotique, quelles conséquences entraînent-elles pour le choix des leçons lorsqu’un texte est présent dans différentes compilations ? D’un point de vue méthodologique, comment identifier les différentes voix dans des textes de nature hétérogène, et délimiter, par exemple, la fin précise d’une section explicitement présentée comme une citation ? Comment déterminer le statut d’un texte qui est visiblement cité de mémoire, ou encore celui d’un autre que le lecteur moderne analyse comme une réécriture, mais qui n’est pas indiqué comme tel par l’auteur ancien ? Quels sont les critères permettant de reconnaître l’originalité d’un texte présentant de légères divergences par rapport à un autre, et à quels moyens matériels peut-on avoir recours pour repérer ces divergences, au sein d’œuvres très étendues pour lesquelles l’on ne dispose souvent ni d’une édition récente, ni d’une traduction dans une langue moderne ? Dans quelle mesure les variations lexicales d’un texte à l’autre peuvent-elles être considérées comme des choix signifiants, ou au contraire rapportées à une simple question d’usage ? Par ailleurs, du point de vue de l’histoire des idées, jusqu’à quel point l’autorité des « anciens médecins » peut-elle justifier la reprise de textes entraînant la présence de théories contradictoires au sein d’un même traité ? Inversement, quelles inflexions un texte a-t-il pu subir lorsqu’il est cité dans un contexte polémique ?
Ce colloque propose ainsi de réunir des chercheurs qui, abordant des textes de différentes périodes sous les différents angles de l’édition, du commentaire, de la lexicologie, de l’histoire des sciences ou de l’histoire des idées, se trouvent confrontés à ces mêmes questions. En mettant en lumière la variété et la richesse des procédés de réappropriation des sources, cette rencontre permettra de faire avancer la réflexion sur l’élaboration du savoir médical et les différents canaux de sa transmission.
Médecine antique et médecine moderne : si éloignées et pourtant si proches
En marge du colloque, une conférence publique est organisée le 23 septembre à 19h au Cercle littéraire de Lausanne (Place St-François 7).
À l’ère de la biomédecine et de l’immunothérapie, que peuvent bien encore avoir en commun la médecine humorale et les écrits des anciens médecins de tradition hippocratico-galénique avec la médecine contemporaine, en dehors d’un vocabulaire en partie commun, mais souvent trompeur, tant le sens des mots, les concepts et les représentations ont inévitablement et parfois radicalement évolué ?
À l’heure où l’apprentissage du grec peut sembler décliner mais où, paradoxalement, l’his- toire de la médecine et les sciences humaines en général sont présentes dans les facultés de médecine, que peuvent donc bien avoir encore à nous dire les écrits d’Hippocrate et de Galien ?
En partant de quelques exemples précis, on tentera d’identifier les difficultés, notamment d’ordre philologique, lexicographique et épistémologique, qu’il convient nécessairement de surmonter pour avoir accès à ces textes médicaux antiques et ainsi pouvoir espérer renouer un possible dialogue entre antiquité et modernité. Les débats contemporains parfois vifs autour de différentes questions comme celle de l’éthique médicale, de la relation patient / médecin, de la notion d’alicament, de l’efficacité de l’homéopathie, de l’existence des maladies psycho- somatiques ou des relations entre médecine dite rationnelle et dite complémentaire ou alterna- tive, fourniront les principaux thèmes de la réflexion. Ce sera aussi l’occasion de tracer les limites inhérentes à une telle recherche, tout en essayant de proposer différents outils pour approfondir le débat.
Véronique Boudon-Millot est directrice de recherche au CNRS. Elle a dirigé pendant cinq ans l’équipe de recherche Orient et Méditerranée (UMR 8167) à Sorbonne Université (2014–2018). Elle anime deux séminaires sur l’ecdotique des textes médicaux grecs à la Sorbonne et à l’École normale supérieure. Auteure de nombreux articles sur la médecine antique, elle a publié dans la Collection des Universités de France (Budé) l’édition critique de sept traités de Galien de Pergame : Protreptique et Art médical (2000) ; Sur ses propres livres, Sur l’ordre de ses propres livres et Que l’excellent médecin est aussi philosophe (2007) ; Ne pas se chagriner (2010) ; Thériaque à Pison (2016). Elle a également publié aux Belles Lettres une biographie de Galien (2012) traduite en italien chez Carocci editore (2016).
La conférence sera suivie d’un cocktail dînatoire. Entrée libre, mais inscription obligatoire par email: admin@cerclelitteraire.ch.
Atelier pédagogique « Les textes médicaux antiques »
Avec la participation de Florence Bourbon, maître de conférences habilitée à diriger des recherches à l’École supérieure du professorat et de l’éducation de l’Académie de Paris (Sorbonne Université), éditrice des traités gynécologiques d’Hippocrate dans la Collection des Universités de France et spécialiste de didactique des langues et cultures de l’Antiquité.
Cet atelier est organisé en collaboration avec Antje Kolde, professeure en didactique du latin et du grec à la Haute école pédagogique du canton de Vaud, dans le cadre d’un partenariat avec la HEP‑Vaud.
Lieu : Bibliothèque cantonale et universitaire (BCU), site de Dorigny (Unithèque, salle de conférence 511).
Plus d'informations: www.unil.ch/medecineancienne