Afin de favoriser le travail commun sur la montagne, le CIRM organise le cycle de séminaires « Regards sur la montagne » qui a pour but de favoriser le dialogue interdisciplinaire entre chercheur-e-s. Lors de chaque séance, un-e membre du CIRM présente une de ses recherches, en adaptant son discours à un auditoire formé de personnes de disciplines variées. La discussion vise à comprendre et discuter la perspective disciplinaire. Les séminaires ont lieu sur les campus de l’UNIL de Lausanne ou de Sion et se déroulent dans l’atmosphère informelle des « brown bag lunch seminars ». Nous aurons le plaisir, à cette occasion, d’entendre la présentation de Thierry Largey, du Centre de droit public.
En 2012 et 2014, suite à deux scrutins populaires, certaines collectivités publiques et une partie de la population ont découvert que la montagne est une ressource naturelle épuisable – plus exactement qu’elle constitue un territoire limité qu’il s’agit d’utiliser judicieusement et de manière mesurée.
D’abord, la «Lex Weber» a remis en cause un modèle économique focalisé sur la construction, laissant apparaître une nécessaire transition vers un modèle fondé sur l’exploitation. La préservation du paysage alpin a ainsi donné un coup d’arrêt à la construction et aux volets clos. Ensuite, la révision de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT) a rappelé deux ans plus tard toute la nécessité de maîtriser l’expansion du bâti, de la contenir en fonction de besoins avérés dans un horizon temporel acceptable (15 ans). Les vastes zones constructibles délimitées durant les décennies passées doivent être à présent réduites ; les situations particulières qui jouaient sur la corde raide du droit, comme les zones mayens en Valais, doivent se conformer aujourd’hui aux règles de la loi fédérale. A cela s’ajoute la jurisprudence du Tribunal fédéral qui ne cesse de rappeler l’importance du principe constitutionnel de la séparation du territoire bâti et du territoire non bâti.
Le paysage et la nature doivent être conservés intactes ou ménagés le plus possibles ; le bâti doit être densifié et rendu compact tout en permettant une décentralisation judicieuse de l’urbanisation et étant favorable aux activités économiques ; les zones à bâtir doivent être redimensionnées et les résidences secondaires limitées en nombre et en surface. De la sorte, l’utilisation du sol est soumise à un ensemble complexe d’obligations visant à assurer l’équilibre entre la « capacité de renouvellement » du sol et son utilisation par l’être humain (selon le principe de la durabilité formulé à l’article 73 de de la Constitution fédérale).
Ces obligations sont autant de contraintes pour certains, d’obstacles au développement économique de régions qui sont tenues de miser avant tout sur le tourisme pour générer des emplois et de la richesse. A bien y regarder, ils apparaissent davantage comme des opportunités pour redéfinir, voire réinventer, l’urbanisation en montagne. En se fondant sur les règles en matière d’aménagement du territoire qui en déterminent le cadre, il s’agit d’entreprendre une réflexion portant tant sur les principes applicables que sur les instruments à disposition. Le champ d’application de cette réflexion ne concerne pas seulement les bâtiments et les secteurs d’habitation, mais l’ensemble des infrastructures publiques et privées qui peuvent être envisagées. Plusieurs questions interpellent le juriste, en cela qu’elles suggèrent des réponses différenciées dans les régions de montagne par rapport aux zones urbaines de plaine. Parmi elles :
Ces questions nécessitent au premier chef des réponses juridiques, en termes de droits et d’obligations ; elles exigent à certains égards la contribution de représentants d’autres disciplines telles que des géographes, des économistes, des politologues ou des urbanistes.