Séminaire interfacultaire en environnement 2021 : L’Environnement en temps de crises
Depuis plus d'une trentaine d'années, l'écologie politique est traversée par des mouvements complexes, parfois contradictoires et difficiles à concilier en pratique. Des logiques incommensurables et des tensions irréductibles se révèlent dans les manières de penser et d'agir à différentes échelles spatiales, sociales et temporelles. En mettant à la juste distance les mots d'ordre et les catégories globales, de la société du risque à l'effondrement, en passant par le développement durable ou l'anthropocène, le pragmatisme sociologique s'intéresse à la manière dont des acteurs articulent, hiérarchisent et mettent en discussion des formes de raisonnement, des savoirs outillés et des expériences pratiques. Ce qui se donne à voir ce sont des rapports hétérogènes aux écosystèmes, aux dérèglements qui les affectent et aux manières d'y remédier. Plutôt que de projeter des formules totalisantes, l'enquête conduit aux points de jonction, et de friction, entre des représentations, des dispositifs et des milieux liés à des enjeux déterminés.
C'est ici que l'entrée par les controverses est particulièrement fructueuse : en étudiant des processus critiques de longue durée, faits d'alertes et de conflits, de mobilisations politiques et de formes de régulation (changement climatique, nucléaire, OGM, pesticides, perturbateurs endocriniens, pollution de l'air, gaz de schiste, etc.), on voit s'exprimer, au-delà des seules expressions publiques, une diversité de ruptures, de déplacements, de réversibilisations ou de reconstructions des façons d'être au monde, que l'on a rassemblées sous le concept de "contre-anthropocènes". On observe ainsi comment les causes environnementales ne relèvent pas d'une simple "gestion des risques" mais engagent des rapports de pouvoir et des formes de vie qui mettent humains et non-humains aux prises avec autant de déterminations que d'incertitudes, de vulnérabilités que de capacités d'agir.