Le laboratoire de THéorie sociale, Enquête critique, Médiations, Action publique (Thema) a la plaisir d'accueillir Madame Aurélie Jeantet, sociologue à l'Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, Cresppa.
Aurélie Jeantet est sociologue et spécialiste des émotions au travail. Elle enseigne à l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, à l’Institut de la Communication et des Médias, et est chercheuse au laboratoire Cresppa – Centre de Recherches Sociologiques et Politiques de Paris. Après des études en philosophie et en sociologie, elle fait sa thèse sur le rapport subjectif au travail et la servitude dans les relations de service. Elle s’intéresse également aux représentations sociales du travail, que ce soit à l’école, dans la communication des entreprises, dans les séries télévisuelles ou encore au cinéma. Depuis le début des années 2000, ses publications sur les émotions et le travail font référence. Longtemps tenues à distance des sciences sociales car associées à la psychologie, les émotions ont été réhabilitées comme objet d’étude légitime – certains allant jusqu’à parler d'un « tournant émotionnel » en sociologie.
Parfois avec humour, comme dans le titre de cet article récent, « L’éviction des émotions au travail nuit gravement à la santé » (in Les servitudes du bien-être au travail, Erès, 2021), et toujours avec un esprit à la fois aiguisé et nuancé, Aurélie Jeantet s’interroge sur le statut multiple des émotions dans les mondes professionnels. Elle s’intéresse à « L’émotion prescrite au travail » (in Travailler, 2003/1, n. 9), que ce soit dans les « Métiers héroïques, face à l’urgence, au danger et à la mort » (avec Isabelle Gernet, in Travailler, 2011/2, n. 26) ou dans ceux apparemment plus tranquilles de guichetier (« Le temps des guichetiers », in Temps de travail et temps libre, De Boeck Supérieur, 2001) ou d'universitaire (« Violence des échanges en milieu universitaire et déni des émotions », Nouvelle Revue de Psychosociologie, 2022, n. 33). En analysant l’usage des émotions dans les relations de service, elle y décèle des formes de domination à première vue invisibles (« Relations de service et formes de domination », in Les risques du travail, La Découverte, 2015). Elle s’est aussi intéressée au travail dans les films (« Cinéma et travail », in Travailler, 2012/1, n. 27) et notamment aux « Représentations du monde professionnel et du rapport subjectif au travail dans les films de fiction français contemporains » (avec Emmanuelle Savignac, ibid.).
Dans son œuvre majeure, Les émotions au travail (Editions du CNRS, paru en 2018 et réédité en 2021), Aurélie Jeantet définit l’émotion comme un objet sociologique à part entière, tout en reconnaissant que son appréhension n’est pas aisée. Elle y défend l’idée que l’émotion constitue un point de contact entre l’individu et son environnement et appelle à penser le caractère social de la subjectivité, notamment dans sa dimension singulière. L’auteure propose de croiser les méthodes et les approches pour avoir accès aux émotions non seulement exprimées mais aussi ressenties. Elle défend la thèse d’une structuration des relations de travail par des rapports de domination fondés sur des normes émotionnelles.