Directeur·trice de thèse : Madame la Professeure Anita LÜTHI
Le sommeil est un état comportemental globalement homogène et statique en apparence, durant lequel s'opèrent un changement de conscience et une déconnexion avec le monde extérieur. Le sommeil est néanmoins un état hétérogène tant au niveau physiologique que comportemental alternant des stades de sommeil NREM (i.e. sans mouvements rapides des yeux) et de sommeil REM (ou paradoxal, i.e. avec mouvements rapides des yeux). Au sein même du sommeil NREM, il y a une hétérogénéité temporelle caractérisée par des fluctuations infra-lentes (10 – 100 s) de l'activité électrique du cerveau, de la fréquence cardiaque et du diamètre de la pupille, et une grande hétérogénéité des rythmes à travers les aires cérébrales. Cette thèse explore les mécanismes de l’hétérogénéité spatio-temporelle du sommeil NREM enrichissant les notions de neurobiologie de base sur l'organisation du sommeil.
L'étude principale de ma thèse explore le rôle du système noradrénergique locus coeruleus (LC), important pour le contrôle du stress et de l'attention, dans les fluctuations infra-lentes du sommeil NREM. J’ai utilisé des méthodes modernes de neurosciences afin de suivre l'activité du LC et sa libération du neuromodulateur noradrénaline (NA) dans le cerveau. J'ai obtenu des résultats inattendus qui montrent que le LC est fortement actif durant le sommeil NREM et libère la NA de manière périodique dans une région importante dans la génération des rythmes du cerveau. Cette variation de NA est le mécanisme essentiel pour coordonner le cerveau et le corps et permettre d'être réactif aux stimuli externes pendant le sommeil NREM. Ces résultats remettent en question nos connaissances sur le sommeil NREM: c'est un état de vigilance durant lequel la neuromodulation est cruciale pour réguler ses caractéristiques physiologiques et comportementales.
La deuxième étude explore les mécanismes neuronaux de l’hétérogénéité des rythmes à travers les aires du cerveau pendant le sommeil NREM. Les différentes propriétés électrophysiologiques des neurones du noyau réticulé thalamique (TRN) sont responsables des différences locales d'activités du sommeil NREM dans plusieurs aires corticales. Ainsi, le TRN est primordial pour définir la prépondérance d'activités typiques du sommeil NREM.
Mon travail contribue fondamentalement aux connaissances sur l'origine biologique de l'hétérogénéité du sommeil, et révèle le rôle central des neuromodulateurs pour le réguler. Les implications sont concrètes pour comprendre le sommeil sain ou pathologique, comme lors des troubles de l'éveil (insomnie, maladies liées au stress), ou lorsque le LC ou le TRN sont altérés comme dans la maladie d’Alzheimer ou la schizophrénie.