Un tournant des campagnes anti-genre en Afrique centrale
L'émergence des nouveaux patriotes sexuels : un tournant des Campagnes anti-genre en Afrique centrale
Patrick Awondo, Université de Yaoundé 1,
Directeur exécutif du Centre pour le Genre et le Changement Social au Cameroun
Même si la catégorie d'antigenre en tant que concept n'est pas toujours mobilisée dans les discours des acteurs dans les contextes africains, les formes et actions contre les groupes identifiés sur la base de leur genre et/ou sexualités sont présentes. Dans mes observations en Afrique centrale francophone, on trouve d'une part des groupes anti-féministes et anti-avortement et d'autre part des pratiques et des groupes contre les LGBTQI+.
Dans cette communication, je dresse la carte des acteurs anti-LGBTQI+ et anti-droits sexuels et j'analyse les moteurs actuels de leur expansion en me basant sur deux cas : le Cameroun et la République centrafricaine. Pour tous ces acteurs qui s'organisent contre les droits sexuels et reproductifs, l'agenda est d'imposer un cadre social et juridique défavorable à la justice sexuelle. Leur objectif est d'atténuer les possibilités d'un débat fondé sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Cela va des tentatives de criminalisation ou d'aggravation des peines pour homosexualité à l'interdiction des réunions, des actions de blocage de tout ce qui concerne les droits et la justice sexuels. Ceux et celles qui participent à cette campagne ou à ces actions de blocage se positionnent en tant que « nouveaux patriotes » ou « acteurs culturels » essayant de conserver les « vraies valeurs » du continent africain.
Je souhaite également réfléchir à l'impact de ces actions et groupes dans l’espace digital et numérique. Il y a des vagues de discours et de contre-récits poussés par des activistes non déclarés sur le web, mais aussi par des groupes ouverts qui s'organisent clairement pour arrêter l'expansion des droits sexuels. Je considère ces groupes comme l'expression de la reconfiguration du patriarcat, de la masculinité et d'une nouvelle génération de « nationalistes » prônant un « panafricanisme sexuel ». Ils redéfinissent ouvertement les frontières de l'identité sexuelle africaine, en la positionnant contre la pluralité des identités de genre.
Mots clés : anti-genre, anti-LGBQTI+, patriotes sexuels, panafricanisme sexuel, Cameroun, République centrafricaine.