L’Asie du Sud désigne communément la dévotion et les phénomènes qu’elle engendre par le terme de bhakti, qu’il est fort difficile de traduire. La bhakti englobe en effet toutes les formes prises par la « dévotion » à une divinité personnelle sur le territoire indien et au-delà, sur ceux où ont essaimé des religions d’origine indienne. Émotions diverses, possession, rites, sentiments intérieurs, échanges profonds mais invisibles avec des dieux dont certains échappent à l’entendement occidental classique, la bhakti ne paraît guère, au premier abord, se concilier avec l’archéologie, science portant sur la culture matérielle, qui se doit de toucher du doigt des objets d’étude que l’on s’attache à faire, parfois littéralement, sortir de terre.
Il s’agira, dans cette conférence, de montrer comment les deux domaines de la bhakti et de l’archéologie se rencontrent pourtant dans une approche historique des phénomènes dévotionnels en Inde. La bhakti se trouve en effet à l’origine de bien des manifestations matérielles mises au jour par l’archéologie : temples consacrés à telle ou telle divinité, sculptures la représentant, sites entiers témoignant des pèlerinages qu’elle suscitait. Ces vestiges matériels nourrissent l’étude de phénomènes inscrits dans une temporalité plus brève, tels que les rituels, y compris ceux qui concernent des possessions. Ils dessinent le paysage cultuel dans lequel s’inscrit une production littéraire intense engagée dans un dialogue permanent avec ce monde matériel où les dévots s’attachent à faire vivre.