Conférencier : Antoine Pietrobelli (Professeur à l’Université de Franche-Comté)
Organisateurs·rices : Brigitte Maire, Guillaume Poisson et Nathalie Rousseau (UNIL)
Oribase de Pergame (ca 325 – ca 395) fut le médecin, le bibliothécaire et l’ami de l’empereur Julien. Il l’a suivi dans ses campagnes en Gaule dès 355 et jusqu’à sa mort en 363, sur le front perse. Julien a reçu le surnom d’Apostat pour avoir tenté de rétablir le polythéisme ancien à une époque où l’Empire était devenu chrétien. Dans cette entreprise de restauration du paganisme, la médecine a joué un rôle central. En 362, Julien édicta, par exemple, une loi pour confirmer et accroître les privilèges accordés aux médecins. Pour Julien, la médecine, liée au culte d’Asclépios, était un don des dieux et elle constituait une parfaite illustration de la supériorité de l’hellénisme sur le christianisme. Il commanda ainsi à Oribase d’abord un résumé de tout Galien, puis les Collections médicales en soixante-dix livres, afin de « compiler les passages les plus importants de tous les meilleurs médecins ». On peut expliquer la composition des Collections médicales par la charge de bibliothécaire qu’occupait Oribase auprès de Julien. La compilation de citations de tous les auteurs cités dans les Collections présuppose en effet un accès à une multitude d’ouvrages dont plusieurs sont aujourd’hui perdus. Mais une oeuvre d’une telle ampleur s’explique aussi par l’utilisation de la nouvelle forme du livre qu’est le codex. Dans un contexte où les textes canoniques des chrétiens sont rassemblés au sein d’un seul et même codex qui fait autorité, la Bible, on pourrait dès lors lire les Collections médicales comme un monument à la gloire du paganisme, une bible païenne. Cet aspect apparaît clairement quand on se penche sur le livre VI des Collections qui porte sur les exercices sportifs et sur l’activité sexuelle, ou quand on s’intéresse aux positions du médecin sur la conception de l’embryon et sur l’avortement. Sous l’apparente neutralité de la compilation, Oribase défend ainsi une philosophie et un mode de vie païens qui s’opposent à la doctrine et aux modèles chrétiens.