Philosophie et théologie.
Quoi de plus étranger à l’Islam, a priori, que la doctrine de la métempsycose ? Désignée par divers vocables (tanāsukh, naskh, burūz, intiqāl, maskh), elle apparaît dans la littérature islamique pour être exposée et réfutée comme une erreur intellectuelle et/ou une faute religieuse. Selon le consensus des théologiens (sunnites comme shi’ites), elle est contraire à l’islam pour ce qu’elle contredit l’eschatologie coranique, la résurrection, le jugement dernier et la rétribution des actes dans l’au-delà, au Paradis ou en Enfer. On se trouve pourtant face à un paradoxe : cette doctrine qui semble unanimement rejetée revient constamment comme un spectre obsédant dans les ouvrages théologiques et hérésiographiques ; sa désignation comme « innovation blâmable » (bid‘a) et son attribution à des sectes « égarées » de l’islam suggère bien une « hérésie », c’est-à-dire une différence inacceptable interne à la religion. L’importance que semble avoir le rejet de la métempsycose dans la formation des grandes orthodoxies islamiques soulève ainsi une série d’interrogations : si cette doctrine est foncièrement étrangère à l’islam, pourquoi revenir sans cesse sur sa réfutation et sa condamnation ? Le « parti de la métempsycose » dénote-t-il une réalité sociale et historique ou un simple épouvantail théorique? Trouve-t-on des textes de quelque auteur ou courant musulman soutenant une telle doctrine et si oui, à quelles époques, dans quels contextes ? En somme, la métempsycose pourrait-elle appartenir à la culture religieuse, intellectuelle et spirituelle de l’Islam? ...